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Pour son grand retour à Avignon, où il n’avait plus été convié depuis 2013, le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski signe un spectacle d’une profondeur et d’une beauté inégalées. Avec Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux, il retrouve l’écrivain sud-africain J. M. Coetzee et son personnage emblématique, Elizabeth Costello, qui l’accompagnent depuis toujours. Un personnage avec lequel il a noué une relation tellement particulière qu’à Varsovie il a réussi à faire baptiser le square jouxtant le Nowy Teatr, qu’il dirige, « place Elizabeth Costello ». C’est dire l’importance pour lui de cette figure de fiction.
Ce qui est très intéressant avec Elizabeth Costello, c’est le jeu littéraire de Coetzee avec son personnage. C’est un personnage qui déborde très vite, ce qui lui donne un côté réel, qui sort de la littérature, la dépasse. Rien que ce nom est très intéressant : il pourrait être de nombreux pays, et d’ailleurs, vous voyez, il peut même nommer une place à Varsovie. Avec elle, Coetzee fait tout pour effacer les frontières entre fiction et réalité : le personnage est une sorte de double, puisqu’il s’agit d’une écrivaine qui donne des conférences à travers le monde, comme Coetzee l’a fait, et qui prend des positions similaires aux siennes, par exemple quand Coetzee a comparé l’abattage des animaux de boucherie à l’Holocauste, ce qui a été très controversé. Coetzee lui-même dit qu’Elizabeth Costello, sans y être invitée, rentre non seulement dans son œuvre mais dans sa vie. Il travaille sur cette structure de fiction dans la fiction dans la fiction, qui permet de travailler sur le théâtre dans le théâtre dans le théâtre. Du coup, on ne cherche pas la vérité : il n’y a pas de vérité.
Oui, mais pas uniquement. Je suis à un moment de mon travail et de ma vie où je ne me vois plus faire des mises en scène au sens classique du terme, mais mener des projets particuliers, sur le temps long, qui ouvrent le champ du théâtre. J’ai toujours pensé que ce qui est le plus important, au théâtre, c’est la prise de parole. Or, Elizabeth Costello est une femme qui prend la parole. Et cette parole est troublante, parce qu’elle ne donne pas le vrai et le faux, ne nomme pas les choses de manière simple. Elle nous impose donc de penser.
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